Une femme en crue

 

Caroline-Boidé
©-Daniel-Mordzinski

(Extraits)

Un cri traverse l’homme de la taille du torrent
un cri qui atteint en profondeur la femme en crue
fait basculer son cœur
Une étrangère dit-on
transforme les cris en rire
les hurlements en râles d’amour
il lui suffit de mélanger dans une marmite fêlée
frayeurs et herbes folles
L’homme qui a fait le tour de la terre sans croiser le moindre soleil
renaîtra ailleurs
Son désir aura la cambrure d’un fauve

*

La rive de l’homme de la taille du torrent est le désir
Il le traverse quand il croise la femme sur la mer
caresse ses lèvres
en étale le rouge avec son doigt
appuie fort pour voir sa peau nue
et le jour dans sa bouche
Il est de retour à la vie quand elle griffe les draps de l’écume
les agrippe dans l’abandon de toute décence

*

Un ruisseau coule de ton cœur à ton aine
coule jusqu’à ton ventre
Ton nombril se dénoue sous ma langue
fleuve sinueux qui fait son lit au creux de mes reins
se jette dans mon cou
serre mes cheveux dans sa main

Tes caresses englouties sous ma peau
gonflent mes veines
inondent les pierres d’eau blanche

Ta bouche s’engouffre
Fente de la terre dans ma chair

Caroline Boidé

Une femme en crue, © Éditions Bruno Doucey, 2021.