La muchacha del balcón
La tarde bajaba por esa calle junto al puerto
Con paso lento, balanceándose, llena de olor,
Las viejas casas palidecen en tardes como ésta,
Nunca es mayor su harapienta melancolía
Ni andan más tristes de paredes,
En las profundas escaleras brillan fosforescencias como de mar,
ojos muertos tal vez que miran a la tarde como si recordaran,
eran las seis, una dulzura detenía a los desconocidos,
una dulzura como de labios de la tarde, carnal, carnal,
los rostros se ponen suaves en tardes como ésta,
arden con una especie de niñez
contra la oscuridad, el vaho de los dancings.
Esa dulzura era como si cada uno recordara a una mujer
Sus muslos abrazados, la cabeza en su vientre,
El silencio de los desconocidos
Era un oleaje en medio de la calle
Con rodillas y rostros de ternura chocando
Contra el “New Inn”, las puertas, los umbrales de color abandono.
Hasta que la muchacha se asomó al balcón
de pie sobre la tarde íntima como su cuarto con la cama deshecha
donde todos creyeron haberla amado alguna vez
antes de que viniera el olvido.
La jeune femme du balcon
Le soir descendait sur cette rue près du port
A pas lents, se balançant, plein d’odeurs,
Les vieilles maisons palissent dans de telles soirées,
Jamais n’est aussi grande leur mélancolie chiffonnée,
Ni semblent plus tristes leurs murs,
Dans le fonds des escaliers brillent des phosphorescences maritimes,
yeux morts peut-être qui regardent le soir comme s’ils se souvenaient,
il était six heures, une douceur retenait les inconnus,
une douceur comme des lèvres du soir, charnelle, charnelle,
les visages s’adoucissent dans de tels soirs,
ils brûlent d’une sorte d’enfance
contra l’obscurité, l’haleine des dancings.
Cette douceur était pour chacun comme le souvenir d’une femme
Ses cuisses enlacées, la tête sur son ventre,
Le silence des inconnus
C’était une houle au milieu de la rue
Avec des genoux et des visages tendres heurtant
le « New Inn », les portes, les seuils couleur d’abandon.
Jusqu’à ce que la jeune femme se pencha au balcon
debout sur le soir intime comme sa chambre au lit défait
dans lequel tous crurent l’avoir aimée une fois avant que vint l’oubli.
Quant au printemps, il est l’oeuvre de poètes ivres
s’ils réussissent à attraper le temps véloce
avec l’hameçon des mots…
et à revenir sains et saufs à leur lucidité.
Comme les fleurs d’amandier ou plus loin, Actes Sud, 2007