Abandonné

Tandis que les corbeaux vers la ville s’enfuient…
Oh ! Ce bruissement d’ailes… Ce croassement !
Bientôt, il neigera… Avoir une patrie !
Heureux celui qui peut s’en vanter maintenant…
Et toi, tu te tiens là, immobile, engourdi !
Et désespérément, tu regardes en arrière…
Mais pourquoi, pauvre fou, t’être échappé ainsi ?
Partir à l’aventure juste avant l’hiver !
L’aventure… Le monde, cette porte ouverte
Sur un désert sans fin, silencieux et froid
Celui qui a connu la plus cruelle perte,
Ne pourra se sentir en aucun lieu chez soi…
En serais-tu donc là, visage éteint, si pâle…
Vagabond condamné à errer, pauvre hère
Attiré par un ciel de plus en plus glacial,
Comme le sont aussi les fumées des chaumières ?
Envole-toi, oiseau ! Fais entendre ton chant,
Ton chant lugubre et triste d’oiseau de malheur…
Et toi, fou que tu es, cache ton cœur saignant
Dans la glace des rires… Garde ta douleur !
Tandis que les corbeaux vers la ville s’enfuient…
Oh ! Ce bruissement d’ailes… Ce croassement !
Bientôt, il neigera… Avoir une patrie !
Malheureux celui qui n’en a pas maintenant…

Friedrich Nietzsche

Traduction Charles Jeanson.

Une réflexion sur « Abandonné »

  1. Cette Suite en résonances toujours avec l’édition future 2019 et les mots de Nietzsche et Zéno Bianu , en attendant le retour de la lumière aux rives fécondes.
    Véronique C Chastelier

    3/de l’inoubliable haïtien Jacques Roumain, « Insomnie » in La Montagne ensorcelée
    Ed Le Temps des Cerises

    Et de ne plus avoir pour écrire sa peine qu’un morceau de buvard éclairé par la Lune.
    Jules Romains

    Clarté indécise.
    La nuit
    entre dans la chambre, sombre voile
    brodé d’étoiles.
    La Lune est un gros fruit
    se balançant à mon insomnie.
    Les rossignols de Hafiz*
    sont morts.Silence bleuâtre.
    Nuit interminable.Chaque heure
    s’étire monotone comme une litanie.
    Je me penche hors de moi
    pour écouter une voix
    tenue,et triste comme un parfum.
    J’ai peur du sommeil.
    Je veux penser à ma douleur
    et m’en bercer comme d’un chanson.
    Je tends les mains
    vers toi et j’etreins
    le ciel
    – et le vide.

    * Poète persan du XIV siècle.

    4/ « Y si este fuera mi último poema insumiso y triste,
    raído pero entero,
    tan solo una palabra
    escribiría :
    Compañero »
    Édition : txalaparta
    À Bilbao .
    Extrait du récit -témoignage des camarades tupamaros uruguayens otages de l’armée 12 années durant:
    Memorias del Calabozo
    Mauricio Rosencof & Eleuterio Fernández Huidobro

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