Parle-nous de la douleur

Il répondit :

Votre douleur est cette fissure
de la coquille qui renferme votre entendement.

Et comme le noyau du fruit doit se briser
afin que le cœur puisse se tenir au soleil,

ainsi vous devez connaître la douleur.

Si votre cœur pouvait continuer
de s’émerveiller des miracles
quotidiens de votre vie,

votre douleur vous semblerait
aussi merveilleuse que votre joie ;

Et vous accepteriez
les saisons de votre cœur,

comme vous avez toujours accepté
les saisons qui traversent vos champs.

Et vous observeriez avec sérénité
les hivers de vos chagrins.

Une grande part de votre douleur
est choisie par vous-mêmes.

C’est la potion amère
avec laquelle le médecin en vous
guérit votre Moi malade.

Ayez confiance en ce médecin
et buvez donc sa potion
en paix et en silence.

Car sa main,
bien que rude et pesante,

est guidée par la tendre main
de l’Invisible.

Et la coupe qu’il vous tend,
bien qu’elle vous brûle les lèvres,

a été faite de cette argile
que le Potier a mouillée

de Ses larmes sacrées.

Khalil Gibran