Au bord du dernier lac

Au bord du dernier lac

Les ruines de Liantran, Hautes-Pyrénées.
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Je m’allonge

C’est moi la gardienne maintenant

Je regarde
Les nuages être de l’eau
Je vois que les nuages sont de l’eau.

qui s’élève

c’est clair

Elle est si simple dans le ciel

À peine blanche
ou luisante

Après le vent emmène les nuages

Je les vois par la fenêtre de chez moi

Entre les grappes de bruyère, allongée sur le dos
les reflets éblouissent fort mes yeux

Je suis au bord d’une limite
L’eau monte et devient
le nuage
par ma fenêtre

Si claire dans le ciel
Si froide dans son lac
Ni fatiguée ni vieille
je la vois

discrètement interminable
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Sur le site des ruines de Liantran
Allongée sur les bords du dernier lac
Je comprends que l’eau est quelqu’un
qui voyage
seul

depuis longtemps

Une mémoire je me dis
Et je reste sans bouger
Devant le miroir de l’eau

Je me demande
si avant, couchés Ià ou ailleurs
des hommes aussi l’ont sentie vivre
subitement pour la première fois
comme une bête autour d’eux

et si
jusqu’ici reliés
nous ne pourrions pas être
comme elle
une seule et même personne

depuis longtemps

Dans les éboulis
sifflent
des marmottes à peine écloses

Le soir comme l’eau coule
jusque dans la nuit
où luisent sur les berges
des nuées d’insectes.
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Amandine Monin

Racine Carougne, Carnets – Éd. Jacques Brémond, 2018
Prix Bernard Vargaftig 2017