Arrête-toi, ombre de mon bien cruel

Qui contient une fantaisie contente avec un amour décent

Arrête-toi, ombre de mon bien cruel,
image du sortilège que je préfère,
belle illusion pour qui je meurs joyeuse,
douce fiction pour qui je vis en peine.

Si à l’aimant tout puissant de tes grâces
ma poitrine sert d’obéissant acier,
pourquoi me parler d’amour flatteur
si après tu dois fugitif me tromper ?

Mais tu ne peux pas tirer gloire, satisfait,
de ce que triomphe en moi ta tyrannie :
car même si tu défaisais le lien étroit

qui ceignait ta forme fantastique,
peu importe échapper aux bras et poitrine
si mon imagination te forge une prison.

Sor Juana Inés de la Cruz
(Traduit par Frédéric Magne, Editions La Délirante)